Responsable de classes pratiques, je me suis aperçu qu'il fallait favoriser au maximum, dans ces classes, tous les moyens d'expression. L'adolescent, en effet, pour progresser doit prendre conscience de toutes ses possibilités. Or, il ne peut les découvrir, donc s'épanouir qu en s'exprimant. A la recherche (le moyens d'expression, j'ai pensé, entre autres, il la marionnette éducative.

 

Un moyen d'expression éducative - la marionnette

Les classes pratiques accueillent les adolescents qui ne réussissent pas dans l'enseignement traditionnel. Ils arrivent, désabusés, soit de 61% Se et même de 4e du cycle traditionnel, soit - en majorité - des classes de transition, où, un enseignement adapté et individualisé a porté ses fruits.

 

En deux ans, ces classes préparent l'adolescent à entrer dans la vie active et à assumer ses futures responsabilités.

 

A l'atelier, en s'initiant à la matière et à l'outil, il prend conscience, étonné puis ravi, de ses Possibilités certaines.

 

A l'extérieur, la visite chez le boulanger ou le chaudronnier, l'enquête dans une fonderie, lui apportent des contacts de qualité, l'étude et l'exploitation de l'actualité, l'invitent à réfléchir et à se pencher sur les problèmes de la vie de tous les jours.

 

Il est indispensable, qu'existe dans ces classes, un climat de confiance véritable, sans lequel toute réussite paraît compromise.

 

Il est nécessaire aussi, de donner à l'adolescent la possibilité de s'exprimer dans titi large éventail d'activités proposées. L'atelier, les activités manuelles, le chant, les danses collectives ou le jeu dramatique, lui permettent de réussir et par là, de s'équilibrer et de s'épanouir.

 

Convaincu que la marionnette éducative est un riche moyen d'expression, j'ai encouragé cette activité dans notre classe de 4e pratique du C.E.S. de La Voultesur-Rhône.

 

Nous sommes allés plus loin que le jeu dans la classe. Nous avons présenté nos marionnettes à d'autres camarades et ces présentations ont éveillé en nous de nouvelles responsabilités, source de joie e t d'enrichissement.

 

Septembre 1968

Le premier jour de la rentrée, nous accueillons, quarante élèves - dix-huit garçons, vingt-deux filles - qui se répartissent en deux classes mixtes de vingt élèves.

 

Lors de la première réunion d'informations, nos adolescents décident par trente-cinq " oui " contre cinq " non " ' de créer et de manipuler des marionnettes. Ce choix n'est pas surprenant: l'année précédente, ces élèves avaient assisté à une séance de jeu organisée par leurs camarades de 3" pratique, pour laquelle, ils avaient manifesté Uri vif intérêt.

 

Nous précisons également le " moment " de l'activité dans la semaine. Chacun, petit construire et manipuler lorsqu'il le désire : nous convenons cependant, de consacrer le vendredi matin (le neuf heures à dOI17C heures, entièrement à des exercices de recherche et de jeu. Chaque groupe de travail, s'installe alternativement tous les vendredis dans le local le mieux adapté; l'activité est parallèle dans chaque demi classe. Par la suite, noirs avons pu bénéficier de deux heure,% supplémentaires le lundi matin.

 

Construction et jeu

Une marionnette est construite par une équipe de deux élèves. La constitution de ces équipes entraîne d'ailleurs une discussion animée, souvent passionnée. Les affinités et même les antipathies se confirment. Il s'agit de marionnettes à fige, manipulées du dessous. Le volume de base (cylindrique, conique ou tronconique) est en papier canson. Il est fixé sur une baguette. Nous utilisons les gaines parapluie confectionnées l'année précédente. Les éléments sont en papier canson, crépon, kraft et en laine. Dès lors, divers personnages humains prennent naissance : par exemple des jeunes filles, des petits garçons, une vieille dame, un paysan, un bûcheron...

 

L'observation critique et positive de ces marionnettes met en lumière l'importance du choix des volumes et surtout des teintes pour exprimer un caractère. Les demi teintes foncées permettent d'obtenir toutes les nuances, dans une recherche esthétique. Pour le jeu, nous montons un dispositif scénique simplifié à l'extrême. Un rideau en toile de Mayenne, maintenu par des latte-, cache les manipulateurs. Une toile de fond, permet l'entrée et la sortie des marionnettes.

 

Quelques conseils techniques sur la tenue de la marionnette, sur l'entrée et la sortie, les déplacements, la parole : les adolescents jouent, les personnages s'animent.

 

Naissance du spectacle

Les premières séances de jeu nous donnent l'occasion d'improviser des scènes de la vie quotidienne ou des scènes imaginaires.

 

Pour que la marionnette vive, le manipulateur doit ressentir et vivre la situation, L'adolescent prend alors conscience que le jeu de la marionnette est le prolongement de son propre jeu. Le jeu collectif, rapidement, commence à prendre forme. Il nécessite l'utilisation de tout l'espace du dispositif scénique. Il a l'avantage de faire naître, dans de nouvelles scènes, de nouvelles marionnettes. Les proportions, les formes, le% teintes de ces dernières demandent à chacun une certaine rigueur et une exigence de goût pour ne pas dépareiller l'ensemble. Toutes ces découvertes nous amènent, fin décembre, à un jeu spontané de qualité, qui a permis à tous de s'exprimer.

 

Les progrès sont sensibles. Nous constatons une plus grande facilité d'expression dans la parole et le déplacement. Cependant, quelques-uns ont ressenti le besoin de transmettre leurs émotions à d'autres. L'idée d'un spectacle de marionnettes est née.

 

Début janvier, une vingtaine de volontaires sont toujours décidés à monter ce spectacle. Les autres, se répartissent dans divers ateliers. Le choix du thème pose un problème. Des propositions sont émises; elles ne recueillent pas l'unanimité. Nous préférons, finalement, construire une histoire. Après un travail de recherches, individuel ou par équipes, des idées sont retenues. Une action dramatique se précise et prend forme. Elle nécessite, en plus des personnages humains, la construction d'animaux (chiens, lapins, ânes), et d'accessoires.

 

La mise en place du jeu est rapide. Des éléments techniques supplémentaires, permettent d'affiner le jeu. Pour l'efficacité, il est indispensable de nous organiser. Des équipes se partagent les responsabilités: rangement du matériel collectif, montage et démontage du dispositif scénique... Ce dernier, devient plus important. L'installation de découvertes offre de nouvelles possibilités de jeu. Un carillon Glockenspiel pour l'accompagnement musical et deux projecteurs pour l'éclairage, permettent d'atteindre un certain niveau.

 

Chacun se sent davantage concerné, davantage responsable. Les dissensions, les désaccords S'effacent devant les exigences de la collectivité.

 

La première présentation a lieu devant les élèves de 3" pratique. Il s'agit de l'établissement, avant tout, d'une séance de travail. Les remarques et critiques qui suivent, sont matière à réflexion.

Il ressort surtout que l'émotion d'affronter un public étranger à la classe n'a pas toujours été maîtrisée, Nous analysons cette émotion; elle conditionne le jeu. Nous sommes résolus à la vaincre.

 

Quelques jours plus tard, avec les classes de transition, nous arrivons à soutenir " le rythme " dans le jeu; rythme trop lent jusqu'à ce jour.

 

Les excès évités, une plus grande maîtrise individuelle enrichissent l'expression collectivité. La conscience de ces résultats renforce la confiance de chacun, et entraîne davantage à la perfection.

 

Conclusion

Ce compte rendu apporte peu d'éléments aux personnes qui seraient intéressées par la pratique de la marionnette éducative. Le lecteur y trouve le récit d'une expérience qui n'a d'autre but que de l'inviter à réfléchir. Invitation à la réflexion ~ sur l'apport de cette activité tant sur le plan personnel que sur le plan de là collectivité; sur la qualité des contacts qu'elle établit dans la classe au niveau des adolescents, au niveau maître élèves; sur les échanges qu'elle favorise, après le jeu, avec les spectateurs; échanges riches, positifs, vrais, parce qu'en contact direct avec la réalité.